Du pourquoi José Mourinho est le meilleur entraîneur du monde

L’explication du pourquoi José Mourinho est le meilleur entraîneur au monde. Le titre, à l’image du bonhomme, est évidemment provoc’ mais va nous permettre d’aborder une question que beaucoup se posent ces derniers temps : le Special One est-il dépassé par le football actuel?

José Mourinho. L’un des plus grands palmarès d’entraîneur de l’histoire, qui ne cesse pourtant de diviser. D’aucuns le trouvent génial, d’autres le détestent. Ces dernières années, le flambeau n’a cessé de rejoindre la deuxième catégorie, celle de ceux qui le voient comme un entraîneur du passé, devenu maître dans l’art du paraître pour cacher ses lacunes actuelles. Pas adapté au football moderne, trop défensif, caractériel et autoritaire, faisant passer sa petite personne au-dessus de ses clubs : les reproches ne manquent pas dans la bouche de ses détracteurs. Pourtant José est toujours là, en haut de l’affiche, et son aura n’a pas faibli aux yeux des dirigeants européens, pourquoi?

FC Porto : des débuts étincelants

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Tout commence chez lui, au Portugal, et à Porto plus précisément en 2002 en cours de saison lorsqu’il reprend l’équipe en main après deux courtes piges à Benfica et Leiria. Il permet, en quelques matchs, aux Dragons d’accrocher la troisième place et les poules de la Coupe de l’UEFA après un début de saison très moyen. Son bilan de 11 victoires en 15 matchs est prometteur.

Lors de la pré-saison, il publie sur le site des rapports très précis faisant état de sa manière de préparer ses joueurs, à base de joggings répétés et de séances d’aérobic intensives. On découvre alors les prémisses du modèle Mourinho, basé sur l’excellence physique de ses joueurs. Il base d’ailleurs son équipe autour de joueurs solides physiquement mais très à l’aise techniquement et rapatrie de beaux noms au pays (Nuno Valente, Paulo Ferreira et Maniche).

Sur le terrain, il met en place un jeu sous pression très offensif, baptisé « alta pressão », qui accule ses adversaires : les attaquants pressent continuellement la ligne défensive adverse, le 4 arrière évolue très haut sur le terrain pour étouffer les milieux adverses et la ligne médiane oriente le jeu après avoir récupéré les ballons perdus. (Oui oui, Mourinho à la base est un entraîneur offensif, et sur l’ensemble de sa carrière il a d’ailleurs été plus longtemps offensif que défensif).

En 2003, il remporte le titre avec le FC Porto, la coupe nationale et la Coupe de l’UEFA contre le Celtic dès sa première saison complète. L’année d’après, il fait encore mieux. Il décroche la Supercoupe du Portugal, le titre de champion et, surtout, la Ligue des Champions contre Monaco. Le club portugais et Mourinho sont sur le toit de l’Europe.

Chelsea : la confirmation au haut niveau

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Héros dans son pays, il reçoit bon nombre d’offres venant d’Angleterre, séduite par le jeu ouvert et offensif du Mou. En 2004, il dépose ses valises à Chelsea après avoir adoubé la politique sportive de Liverpool et vertement critiqué celle de Roman Abramovitch, grand patron des Blues.

Sous l’effluve de la Premier League et de sa médiatisation excessive, Mourinho verse dans la provoc’. Il y devient l’entraîneur le mieux payé au monde et façonne son personnage en s’auto-proclamant « Special One » et taxant Arsène Wenger, le coach ennemi d’Arsenal, de « voyeur » qui passait son temps à regarder et parler de Chelsea.

Mais le Mou c’est bien plus que ça et il le prouve sur le bord du terrain. Il remporte 2 Premier League, 2 Coupe de la Ligue, une FA Cup et une Community Shield (Supercoupe d’Angleterre) entre 2004 et 2007. Il mène deux fois son équipe en demi-finale de Ligue des Champions mais ne parvient pas à passer le dernier carré. Le jeu explosif de son équipe, bien adapté au championnat anglais, n’offre pas assez de garanties défensives contre les grands d’Europe. Mourinho s’interroge sur ses velléités offensives.
Lassé par les nombreuses altercations qu’il doit mener face à Roman Abramovitch, qu’il accuse de favoriser son intérêt économique propre au développement sportif de son équipe, il rend le tablier en septembre de sa quatrième saison. En trois saisons à Chelsea, le
Special One aura fait mieux que tous ses prédécesseurs sur le banc londonien.

Inter Milan : terre de nombreux exploits

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Sans club après son départ de Chelsea, son puissant agent Jorge Mendes tente de le glisser sur le banc d’un Barça un peu à court de souffle mais, malgré l’engouement d’une partie de la direction, les hautes sphères catalanes déclinent sa proposition.

Il trouve alors un point de chute à l’Inter Milan en 2008 pour un nouveau challenge : remporter le titre dans trois championnats différents consécutifs. Il met les voiles sur la Botte avec l’objectif hautement proclamé de refaire de l’Inter un leader européen, deux ans après la victoire en Ligue des Champions du voisin Rossoneri. Confronté au football plus défensif et organisé italien, Mourinho adapte quelque peu ses propensions offensives et se concentre davantage sur la mise en place de son bloc.

Avec les Interistes, il remporte deux championnats, une Coupe d’Italie et une Supercoupe. En Italie, il
remporte son troisième championnat différent, de manière consécutive qui plus est. Le soir du premier titre, il déclare qu’il ne manque qu’une Ligue des Champions aux Nerrazzuri pour redevenir le plus grand club de la ville et s’attire les foudres des supporters de l’AC Milan. Il tient parole la saison suivante en menant l’Inter sur le toit de l’Europe contre le Bayern, 2-0. Mourinho remporte sa deuxième Ligue des Champions en autant de finales, devient le premier entraîneur à réaliser le triplé avec un club italien et le troisième à remporter la plus grande compétition européenne avec deux clubs différents.

Real Madrid : changement de cap opéré

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Au lendemain de cette victoire retentissante, le Real Madrid annonce avoir libéré Mourinho de son contrat milanais pour lui donner les rennes d’une équipe en pleine reconstruction. Cristiano Ronaldo, Kakà et Benzema viennent de débarquer et le Special One se voit confier la mission de redorer l’aura du club le plus titré d’Europe. Le défi est de taille car les Madrilènes restent sur cinq éliminations consécutives en huitièmes de finale. Une honte sportive qui soulève la broncha des socios, d’autant plus humiliés par le sixtuplé du Barça de Pep Guardiola deux saisons auparavant. Mourinho débarque à Madrid avec l’étiquette du seul entraîneur à avoir battu Pep Guardiola en Coupe d’Europe (lors de son titre avec l’Inter, en demi-finale) et les espoirs placés en lui sont immenses.

Le début de saison du Real est étincelant et les Madrilènes battent le record du meilleur début de saison, établi par le Barça de Guardiola deux saisons plus tôt. Mourinho semble prendre le dessus sur son opposant tactique. Mais la chute est brutale lors de son premier Clásico : les Catalans infligent une dégelée 5-0 à leur grand rival et la plus grande défaite de la carrière d’entraîneur du Mou. Le Portugais est vivement critiqué pour une tactique basée « presque uniquement sur l’attaque » et le Real est sonné. C’est ce fameux Clásico qui marque le réel tournant défensif de la tactique de Mourinho qui décide, à partir de ce moment là, de privilégier une assise solide et une organisation sans faille comme principe cardinal. C’est également le début de ce qu’on appellera le « travail post-Mourinho » et dont on parlera plus tard.

Après une période plus difficile, il transforme mentalement son effectif qui remporte le titre l’année suivante en allant s’imposer 1-2 au Camp Nou grâce à une leçon tactique et mentale phénoménale. Malgré un jeu caractérisé de « défensif », le Real bat le record de buts marqués en une saison en Liga, 107. Mourinho ramène le titre national au Real après quatre ans de disette, devient le quatrième entraîneur à remporter le titre dans quatre championnats différents mais le premier à le faire dans trois championnats majeurs (et dans quatre championnats consécutifs). Mais la saison suivante est à nouveau compliquée et les cadres du vestiaire (Casillas et Ramos en tête) demandent son départ. Il quitte le club à la fin de saison.

Chelsea, Manchester United : retour en terres (à nouveau) conquises

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Mourinho rentre à Londres dans un club qu’il a déjà comblé et dans un stade qui ne demande que son retour. Et c’est un nouveau succès puisqu’il atteint les demis-finales de Ligue des Champions dès sa première saison, malgré des exercices nationaux plus compliqués. Il rapporte cependant la Premier League et la Coupe de la Ligue à Stamford Bridge l’année d’après mais le modèle Mourinho et l’exigence qu’il demande à ses joueurs semblent les lessiver. Après un début de saison raté, il est viré par les Blues en décembre de sa troisième saison.

Alors que beaucoup le trouvent fini, il surprend tout le monde en s’offrant Manchester United. Après une première saison convaincante qui le voit ramener la Coupe de la Ligue et l’Europa League, seul trophée qui manquait aux Mancuniens, et solidifier une défense jusqu’alors très poreuse, il enchaîne avec une saison et demie totalement vierge dont on connaît le dénouement.

Une fin de carrière qui pose question

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Quand on entend tout ça, on est tenté de se dire que sa fin de carrière démontre qu’il n’a peut-être plus le niveau, mais cela dépend en fait de comment on conçoit le rôle d’un entraîneur. Bien évidemment, son rôle est de ramener des titres et des trophées à son club mais pour cela, il existe plusieurs méthodes différentes. Et celle du Special One est sans doute unique au monde (on l’a abordé plus haut en parlant de « modèle post-Mourinho » lors de son passage au Real). Lorsque l’on regarde les résultats des clubs qu’il quitte, on remarque aisément le nombre de titres décrochés. Beaucoup les considèrent comme la preuve que Mourinho ne savait pas comment utiliser un effectif de talents mais quand on y regarde de plus près et que l’on prend en compte certaines déclarations de joueurs, on se rend compte qu’il ne faut pas penser dans ce sens là. Si les équipes de Mourinho remportent de nombreux titres après son départ, c’est sans doute en réalité grâce à Mourinho.

Quelques explications. Lorsqu’il est arrivé à Porto, Mourinho a mis en place des exercices physiques très poussés qui ont fortement étonnés et dont nous avons parlé en début de sujet, chose qu’il a réitéré dans tous ses clubs. Tout amateur de foot sait aussi que Mourinho ne dure pas plus de trois ans dans un club car ses joueurs finissent usés, écrasés sous la charge de travail, et la plupart des gens le perçoit comme un handicap.
Mais prenons les résultats des clubs de Mourinho dans les deux ans qui ont suivi son départ. Porto a été champion les deux années suivantes (et même 7 fois en 8 ans) et s’est forgé un solide réputation d’épouvantail en Coupe d’Europe qui court toujours (il est à noter que le club travaille toujours physiquement comme sous la direction de Mourinho). Chelsea a été champion en 2010 après une année noire sous Mourinho et a remporté deux FA Cup, une performance quasiment identique après son deuxième passage (une seule FA Cup décrochée). Le Real a remporté la Ligue des Champions dès la saison suivant son départ. Seul l’Inter échappe à la règle puisqu’ils naviguent en eaux troubles depuis.

Les détracteurs de Special One rétorqueront que cela ne prouve pas qu’il y est pour quelque chose car ses équipes semblent libérées après son départ. Et c’est exactement le cas. Elles sont libérées d’une charge physique impressionnante qui finissait par les étouffer. C’est un problème au moment présent, mais ça veut surtout dire que lorsque son successeur débarque, il retrouve une équipe absolument au top physiquement tant elle l’a travaillé les saisons précédentes. Il peut donc se permettre de se focaliser sur les autres aspects du jeu pour rendre efficace une équipe physiquement au-dessus de ses adversaires. D’ailleurs, le niveau physique et l’endurance étaient les principales qualités de tous les titres de ces équipes juste après le départ du Mou.

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Ces observations ont toutes été « validées » par les déclarations d’anciens joueurs de Mourinho. Angel Di Maria et Mesut Ozil ont déclaré ne s’être jamais sentis aussi forts physiquement que sous Ancelotti et en attribuent le mérite au travail de sape de Mourinho. Eden Hazard a avoué se sentir « très bien dans une équipe très forte, surtout physiquement » dès le début de saison 2017. Zidane a déclaré durant son mandat madrilène qu’il s’inspirait de la façon dont Mourinho travaillait pour forger son équipe et la garder concernée. À ce propos, Cristiano Ronaldo, bien que pas très fan de l’humain José, a dit qu’il admirait la façon dont Mourinho avait réussi à transformer le Real en une machine qui gagne. Car le mental c’est aussi et surtout le gros point positif des équipes post-Mourinho, cette volonté absolue de gagner et cette faim de trophées qu’il parvient à leur inculquer. C’est bien simple, les ex-équipes du Special One savent gagner après son passage. Dernier exemple en date : lorsqu’il fut viré de Manchester United, des rumeurs insistantes l’envoyaient à nouveau au Real Madrid et la question fut posée à Sergio Ramos. Si le capitaine madrilène, pas en odeur de sainteté avec le coach portugais, a déclaré que Mourinho ne reviendrait pas au Real tandis qu’il serait dans l’effectif, il a tout de même avoué que son retour dans la capitale espagnole ferait « beaucoup de bien » au triple champion d’Europe.
Tant de discours qui vont dans le sens du travail imposant qu’apporte le
Special One à ses clubs. Alors, elle est à combien la cote de Manchester United champion d’Angleterre la saison prochaine?

Antoine Thirion