Quelqu’un a dit “corruption“ ?

© Pixabay

En Octobre 2018, on annonçait une vaste affaire de corruption dans le football belge. En Janvier 2019, c’est une affaire de corruption dans le tennis qui voit le jour. C’est le journal sportif français L’Equipe qui a révélé l’affaire qui est instruite en Belgique

Tout, tout, tout, vous saurez tout sur ce qu’on peut désormais appeler le“Tennisgate“. Une vaste affaire de corruption qui concerne des joueurs de tennis professionnels de 2014 à aujourd’hui. L’objectif de cette fraude : Truquer le résultat préalablement convenu des matchs. Dans le but de : parier sur ces matchs en connaissant le résultat. Ce qui vise à augmenter de manière frauduleuse les gains des paris. Les matchs visés concernent ceux des circuits «Challenger» et « Future », la deuxième et troisième division du tennis.

Qui est à l’origine de cette affaire frauduleuse ?

Il s’agirait d’une organisation criminelle d’origine Belgo-arménienne. En réalité, c’est un groupe très structuré d’Europe de l’est qui agit depuis la Belgique. Elle s’est spécialisé dans les matchs de tennis. Cette grande organisation criminelle aurait réussi à corrompre des dizaines de compétiteurs de toutes nationalités à travers le monde.

C’est la Belgique qui instruit l’affaire 

En effet, début juin 2018, le parquet fédéral belge a annoncé l’arrestation de treize personnes en Belgique et de deux personnes aux Pays-Bas. Dans le cadre d’une opération policière concernant « une organisation criminelle belgo-arménienne ». Cette organisation est spécialisée dans le trucage de matchs de tennis. L’affaire est instruite en Belgique mais l’enquête touche au moins sept pays (Bulgarie, Slovaquie, Allemagne, Pays-Bas, France, Etats-Unis et Belgique. La semaine dernière, le pays a d’ailleurs demandé l’audition de quinze personnes en France. L’enquête a été ouverte en 2015 pour des faits remontant à 2014. Elle se poursuit donc aujourd’hui.

La tête du réseau interpellée en juin dernier selon le quotidien sportif L’Equipe

 La tête présumée de ce réseau, un certain Grigor Sargsyan domicilié en Belgique mais d’origine arménienne qui se fait appeler le « Maestro » a été interpellé en juin 2018. A la suite de cette interpellation, Grigor S. est mis en examen pour corruption, blanchiment d’argent, faux en écriture, appartenance à un réseau criminelle et infraction à la législation sur les jeux de hasard. La tête pensante de l’organisation est aujourd’hui emprisonnée en Belgique.

Le fait d’en parler peut-il sauver le tennis de cette corruption ?

L’Espagne a connu une affaire de même ampleur, Il y a deux ans et ça n’a pas servi ! D’autant plus que début janvier, les autorités espagnoles ont procédé à 83 arrestations toujours pour des trucages liés à la mafia arménienne. Les fédérations et la Tennis Integrity Unit, l’instance qui lutte contre la corruption dans le tennis professionnel partout dans le monde ont mis en place des actions mais il reste encore du chemin… Beaucoup de chemin !

Ce sont les divisions inférieures qui sont le plus touchées notamment la deuxième et troisième division

 Dès lors qu’on propose des paris sur des compétitions d’un niveau assez bas, où les joueurs ne vivent pas vraiment du tennis. On peut comprendre qu’il y ait des tentations, d’autant que selon certains joueurs qui ont avoué avoir joué des matchs truqués, Ils n’ont pas l’impression de tricher quand ils perdent un set et gagnent le match. Ce qui paraît une petite affaire dans des divisions inférieures peut avoir des ramifications internationales et engager des sommes très importantes. On est face à des organisations très structurées car il y a beaucoup d’argent à faire. Truquer un gros match peut rapporter jusqu’à 1 million€. Le même bénéfice avec le trafic de drogue nécessite plus d’efforts. Le top 50 du tennis mondial ne serait pas épargné par ces manipulations. Evidemment, on ne peut pas l’affirmer sans preuve, mais les probabilités sont tout de même assez fortes.

Le tennis est-il la cible idéale des paris truqués ?

©Pixabay

Selon Richard Ings, un ancien membre de l’ATP « rien ne serait plus facile que de truquer un match de tennis ». D’abord, parce que contrairement au football ou à d’autres sports d’équipes, pour truquer un match de tennis. Il suffit de corrompre un seul joueur. Les risques de voir l’affaire s’ébruiter sont donc moins importants. Ensuite, le système de comptage des points permet d’arranger une rencontre en toute discrétion. Il suffit de lâcher une balle de break pour renverser la rencontre. Enfin, le système de paris est avantageux : il est possible de parier sur d’autres aspects que la simple victoire ou la simple défaite du joueur. Par exemple, le vainqueur d’une manche ou le score à un moment donné du match. Cette facilité à truquer les matchs a donc permis aux organisations criminelles de manipuler les matchs de tennis et de s’en servir pour des paris illégaux.

Les instances sont conscientes mais impuissantes face à ce phénomène

Les instances ont décidé de réagir suite à un match bien trop trouble en 2007 entre le russe  Nicolay Davydenko et l’argentin Facundo Arguello à l’Open de Sopot, en Pologne. Davydenko est le favori légitime de ce match face à Arguello, modeste 87emondial. Betfair, l’une des sociétés de paris en ligne est alertée par des mises d’un montant inhabituel. On parle de 7 millions$ (dix fois plus que d’ordinaire) sur la victoire d’Arguello. En abandonnant, au début du 3eset, Davydenko est entrainé dans une tempête médiatique. Car on le soupçonne d’avoir abandonné exprès pour perdre le match. Plus tard, en 2007, le russe est sanctionné par l’arbitre pour manque de combativité face au à un certain croate du nom de Marin Cilic. Davydenko sera blanchi en 2008 par l’ATP. Dès 2005, déjà, le vice-Président de l’ATP, Richard Ings avait mis en garde le tennis face aux « matchs truqués ». Mais la Tennis Integrity Unit n’est créée qu’en 2009 avec des enquêteurs chargés de contrôler des milliers de matchs. Et ils ne peuvent pas tout voir.

La Tennis Integrity Unit a la capacité d’imposer des amendes et des sanctions, et d’interdire aux joueurs, aux arbitres et aux autres officiels du tennis de participer à des tournois.La TIU banni et suspend.

©Pixabay

Cette affaire dépeint un monde du tennis complètement gangréné par la corruption. Même s’il semble que les tournois du Grand-Chelem et le circuit principal ATP soit moins touchés par cette corruption. Le tennis a un grave problème avec les matchs truqués alors qu’il n’est que le quatrième sport en matière de paris.

Julien Haid