Il était une première fois

On peut en rêver. On peut se l’imaginer. On peut éventuellement l’appréhender. En tout cas, on s’en souvient toujours. Telle une trace indélébile, la première fois marque à jamais tout individu.

Standard v Genk - Croky Cup 1/2

Edmilson Junior, ivre de bonheur, après son premier but pour le Standard. (Crédits image : Photonews)

Pour les sportifs qui ont la chance de pratiquer à haut niveau leur passion, les grandes premières peuvent paradoxalement se multiplier. Un premier but, un premier trophée, une première médaille, un premier record sont autant de souvenirs marqués à jamais.

À ce titre, Edmilson Junior retiendra toujours la date du 20 janvier 2016. Par cette froide soirée hivernale, se tient une demi-finale aller de Coupe de Belgique. Et pour sa première fois à Sclessin avec la tunique rouge, le Belgo-Brésilien marque le premier but contre Genk (2-0). SON premier but pour SON Standard dans le stade au pied duquel il a grandi. « Des frissons » dira-t-il, et un esprit chamboulé pour un moment marqué au fer rouge dans sa mémoire.

Car si Edmilson Jr est aujourd’hui un habitué des célébrations de but, ses yeux écarquillés et sa joie prouvent que le véritable amour procure des sensations inégalables. Et son véritable amour à lui, c’est le Standard, LE club de son cœur.

Rafael Nadal

5 juin 2005, Rafael Nadal remporte son premier Roland-Garros. La relation fusionnelle peut commencer. (Crédits image : EPA)

Et puisque le rouge est la couleur de l’amour, restons dans le passionnel. En 2005, Rafael Nadal débarque pour la première fois dans le tableau final de Roland-Garros. Rarement adepte de la demi-mesure, le Taureau de Manacor ne fait pas que remporter son premier match à Paris puisqu’il gagne carrément le tournoi. Depuis dix ans et demi maintenant, Rafa et Roland, c’est une des plus belles histoires d’amour du sport, faite de neuf feux d’artifice. Mais comme dans toute romance, il y a des accrocs. Pour le champion espagnol, ce sont 2009 et 2015 où Robin Söderling et Novak Djokovic ont tenté le coup d’un soir à Roland.

De la terre ocre parisienne au rouge ardent de Ferrari, il n’y a qu’un pas. À l’inverse de Nadal à Paris, des creux, Fernando Alonso en a souvent vécu avec Ferrari. Rarement au bon endroit au bon moment dans sa carrière, l’Espagnol pensait vivre un conte de fées avec la Rossa. Bahreïn 2010 marque son premier GP avec le team de Maranello. « Il n’existe pas de meilleur moyen d’entamer une relation. Je suis dans la meilleure équipe du monde » s’enthousiasme-t-il en remportant cette course.

Alonso

Fernando Alonso et Ferrari, cinq années de romance latine parties en fumée. (Crédits images : EPA – Reporters)

Mais au fil de cinq saisons dans l’adversité, le discours se transformera progressivement. Si humainement, il conserve des liens ténus avec l’équipe italienne (biens visibles dans l’excellent documentaire de la chaîne espagnole La Sexta qui retrace le dernier week-end du Taureau des Asturies avec Ferrari), c’est la frustration qui l’emporte après cinq ans de vie commune, et un divorce inéluctable. La victoire d’Alonso à Bahreïn en 2010 reste donc la seule première fois de l’Espagnol en rouge. Car s’il en rêvait, il ne remportera jamais le titre avec Ferrari.

Formula 1 Brazil - Raikkonen Podium

Une grande première vaut bien un petit sourire. Même pour Iceman, d’habitude peu expressif. (Crédits image : EPA)

Depuis 2007, la Scuderia court toujours après un champion du monde des pilotes. Un titre qui est en outre une grande première pour le champion en question, qui avait aligné les premières fois cette année-là. Car parfois, la fougue latine n’est pas de bon aloi dans une histoire d’amour. Préférez donc la froideur, le cynisme et l’efficacité. Pour cela, je demande Kimi Räikkönen. Pour sa première course en rouge, il signe son premier hat-trick. C’était en Australie en 2007. Mais Iceman a ajouté le titre au bout du compte. Une première saison en rouge ponctuée de son premier sacre en F1, le seul à ce jour.

Mais toutes les premières fois ne sont pas des succès. Au contraire, c’est parfois la débandade. Cette même année 2007, pour sa première saison en F1, Lewis Hamilton est proche de remporter le titre directement. À deux courses de la fin, il a tout en main pour signer l’un des exploits sportifs de la décennie. Mais une erreur de jeunesse teintée d’un brin de suffisance l’en a privé. Lors de l’avant-dernière course en Chine, il conserve plus que de raison des pneus détruits, et se rate à l’entrée des stands en plantant sa McLaren MP4-22 dans le bac à graviers.

Et le destin ne voulait visiblement pas que cette première fois soit une réussite totale. À la dernière course au Brésil, sa boîte de vitesses le lâchait momentanément. La mécanique reprenait mais il était trop tard, le mal était fait. La suite, on la connaît. Kimi Räikkönen coiffait tout le monde au drapeau à damiers.

En sport, l’amour, la passion, le talent ne suffisent donc pas pour des premières fois réussies. Mais prenez l’exemple de Hamilton et vous verrez que l’expérience acquise se révèlera toujours utile à l’avenir, pour gagner et s’installer dans la durée. Ratée ou réussie, comme Edmilson Junior avec le Standard ou encore Marc Marquez, titré en 2013 lors de sa première saison en Moto GP, la première fois est imperméable et ne demande que répétition. Avec l’expérience comme meilleur adjuvant.

Louis-Paul Eggen

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